Recommandations de la HAS pour le burnout
Le syndrome d’épuisement professionnel, ou burnout, peut frapper toutes les professions. Il touche autant les femmes que les hommes. Il est en 2e position dans les affections d’origine professionnelle. Explications de Karine Petitprez, du service des bonnes pratiques professionnelles à la HAS.
La HAS a publié une fiche mémo sur le syndrome d’épuisement professionnel ou burnout, quels sont les objectifs de celle-ci ?
Ces recommandations visent à définir le syndrome d’épuisement professionnel de façon à améliorer son repérage, sa prise en charge et l’accompagnement des personnes lors de leur retour à l'activité professionnelle. Ce travail se limite au volet clinique du thème : l’action sur le milieu et sur l’organisation du travail est exclue du champ de ces recommandations.
Quelles sont les caractéristiques du burnout ?
Le burnout – ou syndrome d’épuisement professionnel – désigne un état d’ « épuisement physique, émotionnel et mental qui résulte d’un investissement prolongé dans des situations de travail exigeantes sur le plan émotionnel ». Il se caractérise par un processus de dégradation du rapport subjectif au travail. Concrètement, face à des situations de stress professionnel chronique, la personne en burnout ne parvient plus à faire face.
Le syndrome recouvre trois dimensions : l’épuisement émotionnel, le cynisme vis-à-vis du travail (déshumanisation, indifférence) et la diminution de l’accomplissement personnel au travail et de l’efficacité professionnelle.
Quelle démarche diagnostique adopter face à une victime de ce syndrome ?
Le syndrome d’épuisement professionnel n’est pas une maladie caractérisée. Une démarche diagnostique est donc nécessaire : elle vise à évaluer la sévérité du trouble et ses liens avec les conditions de travail. Elle a aussi pour but de caractériser le syndrome en repérant d’éventuels états sous-jacents (trouble de l’adaptation, trouble anxieux, trouble dépressif ou état de stress post-traumatique). L’analyse des conditions de travail est réalisée, en priorité, avec le médecin du travail ou le centre de consultation de pathologie professionnelle (notamment pour les personnes ne disposant pas de médecin du travail).
Lors de cette démarche diagnostique, il est essentiel d’évaluer le risque suicidaire.
Quelles sont les manifestations cliniques du burnout ?
Le burnout peut se traduire par des manifestations plus ou moins importantes, d’installation progressive, souvent insidieuse, qui sont en rupture avec l’état antérieur. Ces manifestations peuvent être d’ordres émotionnel (anxiété, tensions musculaires, tristesse, manque d’entrain, irritabilité, hypersensibilité, absence d’émotion…), cognitif (troubles de la mémoire, de l’attention, de la concentration…), comportemental (repli sur soi, isolement, comportement agressif, diminution de l’empathie, ressentiment et hostilité, comportements addictifs…) ou motivationnel (désengagement progressif, baisse de motivation et de moral, effritement des valeurs associées au travail, dévalorisation).
Des manifestations d’ordre physique non spécifiques peuvent aussi être présentes : asthénie, troubles du sommeil, troubles musculo-squelettiques (lombalgies, cervicalgies…), crampes, céphalées, vertiges, anorexie, troubles gastro-intestinaux.
Existe-t-il des facteurs de risque ?
Il existe effectivement des facteurs de risque, la démarche diagnostique implique de les rechercher. Cette recherche commence par l’analyse des conditions de travail. Elle repose sur une démarche structurée, coordonnée par le médecin du travail avec l’appui de l’équipe pluridisciplinaire (ergonome, psychologue du travail…). Elle peut s’appuyer sur les 6 catégories de facteurs de risque psychosociaux suivantes (rapport Gollac) :
- intensité et organisation du travail (surcharge de travail, imprécision des missions, objectifs irréalistes…) ;
- exigences émotionnelles importantes avec confrontation à la souffrance, à la mort, dissonance émotionnelle ;
- autonomie et marge de manœuvre ;
- relations dans le travail (conflits interpersonnels, manque de soutien du collectif de travail, management délétère…) ;
- conflits de valeurs ;
- insécurité de l’emploi.
L’analyse porte également sur les antécédents personnels et familiaux, les évènements de vie, la qualité du soutien social et le rapport au travail. Le risque de développer un syndrome d’épuisement professionnel peut être associé à des antécédents dépressifs et à des traits de personnalité pouvant limiter les capacités d’adaptation.
L’analyse de ces facteurs permet au médecin du travail de préconiser une prévention renforcée.
Comment repérer une personne susceptible d’être touchée par ce syndrome ?
Le repérage est réalisé par le médecin traitant, le médecin du travail et l’équipe de santé au travail.
Le repérage individuel s’appuie sur un faisceau d’arguments incluant une analyse systémique des manifestations cliniques, des conditions de travail et d’éventuels facteurs de susceptibilité individuelle.
Des questionnaires existent et peuvent apporter une aide dans l’évaluation, tels que le « Maslach Burnout Inventory » (MBI) ou le « Copenhagen Burnout Inventory » (CBI).
Les explorations sont à réaliser en complément de la recherche des facteurs professionnels et des signes cliniques observés et entendus, notamment par le médecin du travail et/ou l’équipe pluridisciplinaire de santé au travail.
Le repérage collectif est réalisé par l’équipe de santé au travail coordonnée par le médecin du travail à partir d’un ensemble de signaux liés au fonctionnement de la structure (absentéisme, turn over fréquent, qualité de l’activité et des relations sociales…) ou à la santé et à la sécurité des travailleurs (accidents du travail, maladies professionnelles, visites médicales spontanées, inaptitudes…).
Quelle prise en charge proposer ?
La prise en charge vise, bien sûr, à traiter le trouble identifié, mais également à agir sur le contexte socioprofessionnel à l’origine du syndrome. La prescription d’un arrêt de travail est le plus souvent nécessaire.
Le médecin traitant coordonne la prise en charge. L’intervention d’un psychiatre peut être sollicitée notamment pour réaliser un diagnostic psychopathologique ou une adaptation thérapeutique, prendre en charge un trouble sévère ou renouveler un arrêt maladie.
Si le patient souffre de troubles anxieux ou dépressifs, un traitement par antidépresseurs peut être prescrit.
Le traitement du trouble peut comporter une prise en charge non médicamenteuse fondée sur des interventions psychothérapeutiques ou psychocorporelles effectuées par un professionnel de santé ou un psychologue formé à ces techniques.
L’analyse du poste et des conditions de travail est indispensable. Elle est réalisée par l’équipe pluridisciplinaire coordonnée par le médecin du travail. Des actions de prévention (individuelle et/ou collective) sont préconisées en conséquence. En accord avec le patient, il est essentiel que le médecin traitant se mette en contact avec le médecin du travail ou celui d’une consultation de pathologie professionnelle pour alerter et avoir un éclairage sur les conditions de travail.
La prise en charge des aspects médico-socioprofessionnels et psychologiques est indispensable, notamment pour aider les patients dans les démarches médico-administratives : orientation vers les consultations de pathologie professionnelle, services d’assistante sociale…
Comment le retour à la vie professionnelle est-il envisagé ?
Pour préparer le retour d’une personne à l’emploi, une visite de préreprise (voire plusieurs) est organisée avec le médecin du travail. Cette visite a pour but d’accompagner la réinsertion socioprofessionnelle. Elle est obligatoire pour les salariés en arrêt depuis plus de trois mois. À l’issue de celle-ci, le médecin du travail peut notamment recommander des adaptations du poste de travail et/ou des formations pour faciliter le reclassement du salarié ou sa réorientation professionnelle.
Soignants, une population exposée au risque de burnout
Le burnout concerne de façon prégnante les professions d’aide et de soins. Pour celles-ci, le rapport à l’autre est essentiel. Il constitue un enjeu, parfois vital, pour les patients, bénéficiaires de la relation.
Le professionnel de santé en activité ou en formation est particulièrement touché par l’épuisement professionnel. Différents facteurs le rendent vulnérable : confrontation avec la souffrance et la mort, prises en charge exigeant d’être impliqué dans l’intimité des patients, dispositifs de soin complexes, tensions démographiques, insécurité…
Les soignants nécessitent donc une prise en charge spécifique via un réseau de soins adapté.